La tornade du 21 septembre 2018
Dans la revue Les Coops d’habitation de février 2019, à la page 26 présentant les actualités de la Fédération intercoopérative en habitation de l’Outaouais (FIHAB), nous avons publié un extrait d’un très beau texte d’une résidente de la Coopérative d’habitation Reboul. Comme convenu, nous publions dans cet article l’intégralité du texte.
Le 21 septembre 16:44, mon téléphone cellulaire se met à hurler – le fameux signal d’alerte – ‘’Environnement Canada a émis une alerte de tornade…’’. Bon, encore une fausse alerte… « Allez hop, les enfants, il faut aller chercher le manteau d’automne pour le grand – tout le monde en voiture » Alors que moi et ma famille roulions insouciants vers les Promenades, Sylvie, Johanne, Gisèle, Edo, Mélissa et Karl, allaient faire une rencontre avec l’effroi.
Le 40 rue Georges-Bilodeau et le 12 rue Tassé ont été les deux immeubles de la coopérative Reboul qui ont été touchés par la tornade. Chacun des immeubles avaient 8 logements. En l’espace de 30 secondes, 16 de nos membres et leurs familles se retrouvaient à la rue avec comme seul bien, ce qu’ils avaient avec eux. Deux logements du 40 Georges-Bilodeau ont littéralement perdu leur toit.
Sylvie Beaudin a été une des premières à communiquer avec la coopérative et Caroline communiqua avec Mario Lachapelle et Marin Stoïca. Mario, avec son fils Sébastien, ont fait ni une ni deux et se sont précipités aux deux immeubles pour s’assurer que personne n’était blessé. Ils étaient sur place 20 minutes après le téléphone de Caroline. Mario a réconforté une membre en plein choc traumatique qui avait eu la peur de sa vie, convaincue qu’elle pouvait être blessée et lui a offert son support.
Le samedi matin, le CA de la coopérative s’est réuni d’urgence pour mettre en place un plan d’action. Un fonds d’urgence a été débloqué et plusieurs décisions judicieuses ont été prises.
Les biens qui se trouvaient dans les logements 7 et 8 du 40 Bilodeau ont été considérés perte totale – dû à la pluie et aux débris des toits effondrés ou envolés et autres matériaux tombés à l’intérieur.
Les deux immeubles ont été placardés, mais Jean-Guy a dû y retourner par deux reprises pour replacarder les ouvertures. Des vandales ont profité de l’absence de lumière et de présence humaine pour aller voler certains logements
Le 40 Bilodeau sera détruit possiblement à la mi-décembre et reconstruit nécessitant architectes, respects de norme 2018 de la ville de Gatineau alors que le 12 rue Tassé a été défait jusqu’au squelette et refait dans les semaines à venir. Un souci avec l’amiante dans les tuiles a nécessité une procédure de décontamination avant la démolition pour le 40 Bilodeau. Le CA de la coop espère que tous les membres et leur famille auront réintégrés leur unité d’ici juin, mais beaucoup d’impératifs comme la disponibilité des travailleurs et la livraison des matériaux peuvent entrainer des retards sur les échéances escomptées.
La tornade vécue par Caroline, notre adjointe administrative
Caroline était sous les escaliers avec son garçon de 7 ans dans ses bras lors du passage de la tornade. Elle était concentrée à rassurer son garçon et a géré ses propres émotions quand le téléphone a sonné. C’était Sylvie qui l’appelait, traumatisée par l’événement. Caroline, déchirée par ses propres besoins immédiats et par le sort des familles de la coop touchées par la tornade, sans électricité, avec un téléphone mourant, a coordonné l’envoi de renfort, par l’entremise de Mario et de Marin. Sylvie, Caroline, Mario et Marin voulaient s’assurer que personne ne soit blessé.
Ce moment-là, ce 21 septembre 2018 est gravé dans nos mémoires. Tous les Gatinois savent où ils étaient au moment où les tornades se sont abattues sur nos familles, amis, collègues et concitoyens.
Vendredi 21 septembre 2018, cette date restera gravée dans la mémoire de milliers de gens.
Récit de Sylvie Beaudin
J’ai choisi de raconter mon expérience de la tornade, à partir du moment où j’entends la première alerte à la télévision, jusqu’au moment où l’on entend les sirènes des services d’urgence arrivant sur les lieux.
Jusqu’à environ 17 heures, c’était une journée comme les autres, c’était une bonne journée. J’étais satisfaite de ce que j’avais accompli. Je m’installe devant le téléviseur pour regarder un film, mais une première alerte annonçant les risques d’une tornade vient interrompre celui-ci. De ma porte patio, je peux voir que le temps semble à l’orage et qu’il y a de gros vents, je ne m’inquiète pas vraiment et mon film recommence. Quelques minutes plus tard, une autre alerte, je ne suis toujours pas inquiète, des alertes nous en avons eu avant aujourd’hui et tous se passait bien. Je regarde de nouveau à l’extérieur, trop bizarre, tout est calme, il n’y a plus de vent. Je me dis c’est le calme avant la tempête, je sors sur mon balcon et examine le ciel, mon regard est attiré par ce gros nuage qui semble descendre et tourner, est-ce que c’est ça, est-ce une tornade, je continue de regarder et de me questionner et tout à coup, je vois des débris monter, c’est vraiment une tornade, je me dépêche d’entrer et me dirige vers la porte d’entrée, je veux descendre vers le sous-sol, impossible d’ouvrir ma porte, je cours vers la salle de bain, mais la porte de la chambre avant se ferme si fort que je fige quelques secondes. Va te mettre à l’abri que je me dis, j’entre dans la salle de bain, je suis assise par terre, les genoux relevés vers moi, les mains sur les oreilles et je me répète, oh, mon dieu, oh mon dieu, j’ai tellement peur. Il y a ce bruit assourdissant, difficile à décrire, est-ce que les murs vont tenir, est-ce que je vais être emportée. Puis le bruit s’éloigne, c’est terminé. Cela n’a duré que quelques secondes, mais c’était des secondes interminables.
Je sors de mon logement, et dans le couloir, il y a des débris, des morceaux de verres par terre. Je regarde vers le haut, je vois le ciel, il n’y a plus de toiture, il manque une partie des murs. Je sors à l’extérieur, je suis sous le choc, il y a des débris partout, c’est une vraie zone de guerre. En voyant l’état de l’immeuble, je panique est-ce que Sylvie et Daniel, des appartements 7 et 8, étaient là, ils ne sont pas sortis. S’ils étaient là, ils ont été emportés, je cours à l’arrière vers le stationnement, quel soulagement, les voitures ne sont pas là, ils ne sont pas revenus du travail.
Les membres des logements 1,2, 3 et moi au 5, étions à la maison. Personne n’est blessé, mais tous, sous le choc, on n’arrive pas à croire ce que nous voyons. C’est le chaos total, des débris partout, les gens qui sortent des immeubles, les cris, les pleurs, des gens qui courent dans tous les sens. Certains vont d’immeuble en immeuble, s’assurer que tout le monde est sorti. On entend les sirènes au loin, les secours s’en viennent.
Sylvie Beaudin, 40 rue Georges-Bilodeau