AVIS JURIDIQUE – CONCILIATION
Par Alex Boudreault-Leclerc, Avocat & Médiateur
Chers membres de la FECHAM,
La fédération m’a demandé de vous informer brièvement sur le bruit qui court concernant « l’existence de l’obligation légale de faire une conciliation entre les parties avant toute procédure judiciaire ».
En effet, depuis, le 1er janvier dernier, il y a un nouveau Code de procédure civile en vigueur (RLRQ, c.25.01) au Québec et cette obligation de « conciliation » découle des articles 1 à 7 de ce nouveau code servant à établir les « règles du jeux » devant les tribunaux québécois. Plus précisément, à l’article 1 du code, on demande maintenant aux parties de « considérer le recours aux modes privés de prévention et de règlement de leur différend avant de s’adresser aux tribunaux. » L’effet escompté est de faire émerger une nouvelle culture juridique qui éloignera un peu plus la confrontation directe lors d’un litige.
Vous voyez l’hôpital? Et ben, le système judiciaire est dans la même situation. Par cette mesure, on essaye entre autre de le désengorger à l’aide d’une médecine alternative. Autrement dit, on veut proposer aux justiciables d’essayer de prévenir plutôt que de guérir et de se tourner aux tribunaux qu’en ultime ressort. Le but étant d’y penser deux fois avant de se battre « par principe » et d’éviter des frais d’avocats pour les parties et des frais publics pour tout le monde… car finalement on le paye tous ce système judiciaire. Une bonne chose car on ne gagne pas un procès, on s’en libère. Et bien souvent ce ne sont que des victoires à la Pyrrhus : le gagnant a lui aussi son compte…
Bref, l’interprétation de cette obligation, qui délimitera les effets pratiques, reste à faire par les tribunaux, mais on peut déjà en prévoir quelques-uns. Par exemple, il n’est pas loin le jour où un juge fera assumer les frais de justice à celui qui aura négligé l’obligation d’utiliser les modes privés de prévention et de règlement des différends (à ce titre, voir l’article 341 de ce nouveau code portant sur ces frais de justice). Ou encore, de se voir rejeter sa demande pour n’avoir pas tenté de se concilier avant de s’être tourné vers le Tribunal, du moins en se le faisant sévèrement reprocher lors du jugement.
Négociations, arbitrage, médiation avant procès, il faudra à l’avenir considérer sérieusement ces options. On pourrait voir ça comme une obligation de nous forcer à mettre de l’eau dans notre vin, mais on peut aussi voir ça comme une tentative d’éviter à tout le monde une grosse gueule de bois!